Ces projets qui nous appellent…

Je ne sais pas pour vous, mais moi, les projets avec d’autres personnes rythment ma vie depuis un bon nombre d’années.

Il y avait certainement une graine quelque part dans l’enfance et tout cela a commencé à germer vers 12/13 ans lorsque je me suis retrouvé embarqué dans l’aventure du scoutisme.

Les piliers du scoutisme tel que je l’ai vécu sont :

  • le lien avec le vivant,
  • les projets en équipe,
  • la quête du sens,
  • et le fait de se sentir grandir avec tout ça.

Ces piliers, j’ai continué à les vivre avec l’aventure des éditions Pourpenser et aujourd’hui je sens que je peux leur donner un nouvel élan avec le projet Humo Sapiens.

Humo Sapiens, kesako ?

A l’origine d’Humo Sapiens il y a une équipe fondatrice composée de Pierre Berneur, Fabien Puzenat, Sandra Rolland, Serge Bardy, Agathe Bergel, Gérard Feldzer, Sara Natal et Gautier Ravaud.

Des personnes qui se sont réunies en association en 2021 pour porter haut et fort le projet d’une mort régénérative, une mort qui retourne à la vie.

Depuis des millions d’années, la mort permet la régénération et le développement de la vie sur Terre grâce au processus d’humification (transformation des matières organiques en humus).

L’équipe d’Humo Sapiens partage la conviction que proposer des modes de sépultures régénératifs permet de réinscrire l’humain dans le cycle du vivant, de contribuer à régénérer la vie sur Terre et de donner du sens à notre mort.

Ce projet s’inspire de ce qui a été initié depuis plusieurs années notamment en Belgique par Metamorphose, aux USA avec Recompose, ou en Allemagne dans le land de Schleswig Holstein avec Meine Erdre.

Aujourd’hui, il est possible d’opter pour la terramation dans quelques états des USA et un land en Allemagne.

En France, il n’existe pour le moment que 2 possibilités pour les sépultures : l’inhumation et la crémation. L’objectif d’Humo Sapiens est donc de rendre possible l’ouverture d’un 3e droit en France : celui de la terramation.

Plusieurs choses me font vibrer dans ce projet :

  • l’équipe riche et plurielle,
  • l’approche non dogmatique : à la fois technique et sensible,
  • le projet en lui-même qui, au delà de rendre possible des sépultures à impact environnemental positif, questionne profondément notre lien avec le reste du vivant, et par voie de conséquence, notre modèle de société.

Je me suis donc engagé !

Actuellement à titre bénévole (l’association est toute jeune et dispose à ce jour de moyens modestes), je me suis engagé à participer au plaidoyer et mettre en place les actions qui permettront à l’association Humo Sapiens de réunir un nombre suffisant de citoyens et citoyennes afin de rendre visible ce souhait d’un troisième choix en France pour nos sépultures.

Pour en savoir plus, je ne peux que vous inviter à visiter le site d’Humo Sapiens et à rejoindre l’association si tout cela vous parle.

Voir également la charte éthique de l’association.

Ralentir pour mieux mourir

Sentir notre corps ne plus obéir, ne plus répondre à nos besoins est une épreuve difficile.

Devoir ré-organiser sa vie parce qu’un proche a besoin de nous est un choix compliqué.

Il y a plusieurs années, je me suis retrouvé à accompagner mon père sur les derniers mois de sa vie. Pas facile de prendre le choix d’une maison de retraite alors que je savais que l’idéal aurait été qu’il puisse continuer à vivre chez lui ou proche de nous.

Aujourd’hui je connais plusieurs personnes qui, pour accompagner une personne malade ou âgée, doivent ainsi repenser leur vie le temps de quelques mois ou de plusieurs années.

La société dans laquelle nous vivons aujourd’hui n’est pas tendre avec celles et ceux qui ralentissent, surtout lorsque ce ralentissement n’a pas fait l’objet d’un choix et se trouve précipité par les événements.

Il n’est pas non plus toujours facile d’accepter la maladie et d’en parler autour de soi. Pas toujours simple non plus de trouver le ton juste pour échanger avec celles et ceux que l’on perçoit ainsi en difficulté.

Il y a des vies plus simples que d’autres. Mais il n’est pas de vie sans mort.
Prendre le temps d’échanger sur la fin de vie n’est jamais du temps perdu.

 

C’est quand la mort ?

Un petit texte présent dans mes tiroirs depuis quelques années.
Dialogue entre une fille et son père.

Je me rappelle, j’avais tout juste 9 ans. C’était le printemps, mais il faisait déjà très chaud et on se croyait presque en été. Papa dessinait dans son atelier et moi, j’avais une question sur le cœur.

– Dis Papa, c’est quand la mort ?

Relevant le nez de ses dessins, on aurait dit que mon papa cherchait ses mots.

– … la mort c’est lorsque le corps ne répond plus du tout. Quand il n’y a plus de respiration, que le cerveau cesse de fonctionner et que…

– Mais non ! je ne te demande pas « c’est quoi la mort ? » mais quand est-ce qu’elle arrive ?

A ce moment là, mon papa a vraiment posé ses crayons et m’a regardée comme les jours où je m’habille en jupe, tee-shirt et sandales alors qu’il pleut et qu’il fait froid.

– Hum… pourquoi poses-tu cette question-là ?

– Je ne sais pas, comme ça…

– Il y a quelque chose qui te tracasse ?

– Pas vraiment, mais un peu quand même. Tu sais, il y a longtemps quand grand-mère est morte, tu m’avais expliqué qu’elle était vieille, que c’était normal qu’elle meure parce que son cœur était très malade. Mais l’autre jour, Justine m’a dit que sa cousine Manon venait de mourir alors qu’elle n’avait même pas 15 ans. C’est grand 15 ans, mais ce n’est pas vieux. Je trouve ça bizarre de mourir quand on n’est pas vieux.

– Oui, je comprends mieux ta question maintenant. Tu sais, on dit souvent que l’une des différences entre les humains et les autres animaux, c’est que nous savons qu’un jour, nous allons mourir.

– Ah  ? Le chat il ne sait pas qu’il va mourir ?

– Je ne sais pas si le chat sait s’il va mourir ou pas. En tout cas, s’il se pose la question, il ne le montre pas beaucoup. Les humains, depuis toujours montrent qu’ils se posent des questions sur la mort. Très loin dans l’histoire on retrouve la trace de tombes et de cérémonies autour des morts. Les humains savent qu’un jour ils vont mourir. Mais personne ne sait quand ce moment arrivera pour lui.

– Tu veux dire que je peux mourir demain ?

– Nous allons tous mourir. Ce peut être demain, dans 10 ans, dans 50 ans, dans 10 secondes.

Là, c’est moi qui cherchais mes mots. Je ne savais plus quoi dire, la peur montait en moi. C’est nul ça ! Je n’ai pas envie de mourir moi ! Les idées se bousculaient dans ma tête mais les mots ne sortaient pas.

– Tu vois, là, 10 secondes se sont écoulées, et tu n’es pas morte ! Et tu sais quoi ? Il y a de très fortes chances pour que demain arrive et que tu sois toujours vivante ! Me dit Papa avec un grand sourire.

Je ne savais toujours pas quoi dire, mais si on peut mourir n’importe quand, c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup plus de raisons de mourir à 10 ans qu’à 70 ans.

– Mais comment je fais quand j’ai peur ? peur de mourir demain ou peur que tu ne reviennes jamais d’un voyage ?

– Déjà, tu peux remplacer la peur par la confiance. Il y a également une chose que tu peux faire avec les gens importants pour toi : c’est de ne jamais vous quitter en étant fâché. Et puis, toi qui aimes les maths, sais-tu ce qu’on appelle : « l’espérance de vie » ?

– Heu non… c’est quand on espère qu’on va vivre longtemps ?

– Ah, non, ça c’est la foi, ou un souhait si tu préfères. L’espérance de vie, c’est surtout mathématique. Tu sais, il y a des gens dont le métier est de compter. Ils comptent tout : le nombre de gens qui regardent la télé, la quantité de pluie qui est tombée, le nombre d’animaux sur la planète…

– Même les vers de terre ?

– Oh oui, je suis certain qu’ils peuvent même compter les vers de terre ou les brins d’herbes ! Dans les choses qui sont comptées, il y a le nombre d’enfants qui naissent et le nombre de personnes qui meurent. Tant qu’à faire de les compter, on note également l’âge auquel ils meurent.

– Et il y en beaucoup qui meurent jeunes ?

– En fait, ça dépend surtout de où tu vis. Là, nous sommes dans un pays où nous vivons assez longtemps : nous mangeons régulièrement, nous pouvons nous soigner lorsque nous sommes malades. En France, au début du XXIe siècle, l’espérance de vie est d’environ 77 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes.

– Je ne comprends pas… La cousine de Justine elle est bien morte à 15 ans, elle !

– Oui, ce sont ce que l’on appelle des moyennes. La cousine de Justine est morte à 15 ans, mais regarde, l’arrière grand-mère de Martin vient de fêter ses 103 ans ! L’espérance de vie, ça signifie, qu’en général, en tant que fille et française, tu as de grandes chances de vivre jusqu’à au moins 85 ans.

– Dis donc… c’est vieux ça 85 ans, c’est encore plus vieux que grand-mère quand elle est morte, non ?

– Oui ! tu as tout à fait raison, celle que tu appelles grand-mère, et qui était en fait ton arrière-grand-mère, est morte à 79 ans, ce qui est déjà pas mal ! Mais tu sais, le plus important dans tout ça, ce n’est pas tellement de vivre le plus longtemps possible, mais d’être heureux de la vie que l’on a et de partager ce bonheur.

– Etre heureux et partager ce bonheur ?

– Oui. Par exemple, tu as des personnes qui vivent très, très longtemps mais qui n’aiment pas grand monde, qui passent beaucoup de temps à ronchonner, et d’autres, qui malheureusement meurent jeunes, mais qui durant leur courte vie on rendu des gens heureux, que ce soit par leur vie de tous les jours ou bien en faisant des choses moins ordinaires comme écrire de la musique ou créer des inventions qui changent la vie.

– Je comprends : en fait, elles sont mortes, mais comme elles laissent un bon souvenir, c’est un peu comme si elle étaient encore vivantes.

– Exactement !

– Et bien Manon, la cousine de Justine, je crois que c’était ça. Elle était musicienne et tout le monde l’aimait beaucoup. Je suis certaine qu’elle a laissé pleins de beaux souvenirs et qu’elle va continuer à vivre longtemps dans le cœur de ceux qu’elle aimait.

C’était il y a presque 6 ans.

Demain, j’aurais 15 ans, l’âge de la cousine de Justine. Je ne la connaissais pas, mais régulièrement, je pense à elle.

Nous avons tous, une mort qui nous a marqué, une mort qui soudain nous rappelle que nous aussi, un jour, nous mourrons.

Quand je pense à ce jour, je ne suis pas triste, je n’ai pas peur. Je me dis simplement que je souhaiterais que ce moment arrive aussi tard que possible. J’ai tellement de choses à faire et d’amis à découvrir !